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Ahmedabad

Puplié le

Vendredi 14 septembre

Nous sommes arrivés hier à Ahmedabad, mais il faisait déjà trop nuit pour nous que nous puissions avoir une vraie première impression de la ville. Néanmoins, ce qui nous a sauté aux oreilles – et par la suite aux yeux – c’est qu’ici, dans le Gujarat, on ne parle et on n’écrit pas hindi. La langue sonne plus rudement aux oreilles, et l’alphabet est différent. C’est la première différence avec Delhi ou Chandigarh – il y en aura sûrement d’autres. Nous avons pris un petit hôtel en centre-ville ; la chambre est à-peu-près propre, bien que petite et aveugle, mais surtout le service d’étage est efficace et la nourriture, bonne mais épicée, est très copieuse et peu chère. Du coup la soirée s’est passée dans la chambre, devant le Seigneur des Anneaux en version anglaise… nickel. Aujourd’hui nous commençons donc notre tour de la ville par une balade au lac. Sur le trajet, notre rickshaw-wallah s’arrête devant une mosquée médiévale (celle de Rani Sipri) afin que nous puissions rapidement la visiter. Elle est construite dans le même style que de nombreux monuments devant lesquels nous passons, et témoigne de la forte histoire musulmane de la ville. D’ailleurs, la présence de nombreux musulmans atteste que cette religion n’appartient pas qu’au passé d’Ahmedabad – en fait, le Gujarat partage quelques points communs avec son voisin du nord le Rajasthan, comme par exemple le fait que l’Islam soit la deuxième religion de l’Etat. Mais ici, malgré la pollution urbaine très présente (beaucoup arborent un foulard qui leur couvre le visage, notamment lorsqu’ils conduisent des deux-roues, et nous les avons souvent imités), on sent que la ville est très empreinte de ruralité : il y a encore plus de vaches que partout ailleurs, des ânes et de nombreuses chèvres !!!

Bref, nous arrivons au lac, un coin assez sympa empli d’oiseaux de toutes sortes – et à mon grand soulagement officiellement interdit aux moustiques (mais il faudra juste me dire comment on force les moustiques à respecter l’interdiction…).

Il s’avère qu’il y a là un zoo où nous devrions pouvoir apercevoir quelques lions d’Asie, une espèce en voie de disparition dont les derniers représentants vivent dans une réserve du Gujarat. Mais comme c’est la saison des amours, les parcs nationaux sont fermés, et nous devons nous rabattre sur le pis-aller du zoo d’Ahmedabad pour tenter d’en voir quelques-uns. Hélas, c’est un zoo encore plus triste que les zoos habituels, car les cages y sont minuscules et les félins a priori peu heureux… Le principal intérêt du zoo réside en fait dans le contraste qui existe entre les bêtes prisonnières et leurs cousines sauvages qui se baladent en liberté dans l’enceinte du parc : écureuils, mangoustes, rapaces, oiseaux, singes… Nous apercevons même un chat sympathiser avce un ours, une mangouste engueuler un léopard, et une autre bébête échapper de peu aux serres d’un aigle. Les grands singes nous impressionnent beaucoup ; ils sont agressifs, mais leurs attitudes sont tellement humaines qu’on ne peut s’empêcher de se marrer en les regardant.

Comme d’habitude nous sommes les attractions locales – on nous regarde encore plus que les animaux en cage, c’est tout dire ! Une jeune fille, Kalpana, filme même notre rencontre directement dans son ordinateur avec sa webcam…

En sortant du zoo nous décidons d’aller visiter la mosquée Jami, située dans un quartier très vivant où se tient un grand marché. Mais nous arrivons à l’heure de la prière et il commence à faire faim (il est 15h), donc nous repartons après avoir simplement fait un tour du marché. Nous achetons d’excellents fruits et je succombe pour du sirop à la rose – un truc que Yann, de son côté, trouve parfaitement dégueulasse.

C’est alors que Jaghdir nous tombe dessus. Jaghdir est un tout petit bonhomme d’une cinquantaine d’années (dur de savoir en fait), très gentil et serviable, qui connaît quelques mots de français et nous indique un restaurant – parce qu’ici, les restaurants, il faut les trouver !!! Même du côté de notre hôtel la ville reste très indienne, et les restos qui pourraient nous convenir sont rares. Or, depuis mon aventure de la semaine dernière, je m’interdis toute street food et ce de façon drastique, donc c’est assez galère, ici, de trouver un endroit où déjeuner. Grâce à Jaghdir, nous nous installons donc dans un restaurant correct, et nous en profitons pour réserver ses services, puisqu’il est guide, pour le lendemain. Une bonne chose de faite ! Après cela, un petit tour à l’office du tourisme s’impose ; en effet, le Gujarat est un grand Etat, et nous n’aurons même pas une semaine pour y faire un tour après notre séjour à Ahmedabad, donc il nous faut des conseils afin de choisir notre parcours. Du coup, exit le désert de Kutch, trop loin et compliqué à atteindre – et c’est bien dommage -, nous irons à Dwarka (l’une des villes sacrées du pays), à Porbandar (lieu de naissance du Mahatma Gandhi), et dans un bled appelé Tarnetar, où se tient l’un des plus grands festivals annuels de l’Etat (en commémoration d’un épisode du Mahabharata, précisément le jour où le grand guerrier Arjuna obtint la main de la princesse Draupadi). Ca va faire beaucoup de bus tout ça, mais on n’a pas vraiment le choix…

Samedi 15 septembre

La journée commence par une première visite de mosquée avant d’aller prendre le petit-déjeuner chez Jaghdir ; c’est en effet comme cela qu’il procède. Pour lui, la découverte de la ville passe aussi par la découverte des traditions locales, et inviter les touristes dans la maison qu’il habite – une maison historique puisqu’elle est vieille de deux siècles -, à déguster un Indian breakfast, ça fait partie du jeu. Il est très fier de nous montrer sa maison (une seule question dans nos têtes : mais où est la salle de bains ???) et de nous préparer un thé masala, assis par terre dans sa cuisine, pendant que sa nièce, Helly, fait ses devoirs à côté de nous. Il tartine nos chapati de confiture de mangue (évidemment épicée) et nous fait la conversation avec beaucoup de gentillesse. A un instant pourtant, son visage s’assombrit et les larmes lui viennent aux yeux : il vient d’évoquer sa femme, morte en couches avec l’enfant qu’elle portait… Nous détournons rapidement la conversation… c’est un peu trop lourd pour nous, là tout de suite.

Après cela, c’est parti ! La journée voit s’enchaîner les visites ; Ahmedabad est riche en monuments des XIVème-XVème siècles, qui traduisent l’alternance des règnes de souverains un coup musulmans, un coup hindous. Nous commençons par une balade dans le fort, d’où nous pouvons apercevoir le tribunal et les “bureaux” à ciel ouvert des avocats et des greffiers. En montant toujours plus haut dans le fort, Yann se fait, pour la première fois de sa vie, un vertige tétanisant (probablement à cause de la chaleur assommante), et nous restons coincés quelques instants en haut d’une tour à attendre que ça se débloque… flippant. Quant à moi, c’est une journée à thème “fracture” : en voulant descendre d’une plate-forme en pierre, destinée à l’époque aux démonstrations des danseurs venus divertir la cour et où j’ai voulu prendre la pose, je glisse sur un pan de marbre descellé ; Jaghdir me rattrape ; le pan de marbre s’écroule ; je n’ai rien, le pan de marbre est cassé en trois morceaux, le pied de Jaghdir a morflé – le marbre lui est tombé dessus. Bref, j’ai cassé un monument historique, et le pied de mon guide avec… Je suis rouge de honte mais, apparemment, le monument historique on s’en fout – les gardiens, une fois prévenus, ne s’inquiètent que de ma santé et de celle de Jaghdir -, et le pied de ce dernier n’a rien de grave. J’insiste pour l’emmener à l’hôpital, ou au moins à la pharmacie, mais il ne veut rien entendre.

Il nous emmène ensuite visiter la mosquée que nous n’avions pu voir la veille, ainsi que les tombeaux avoisinants, ceux de souverains musulmans qui ont régné sur Ahmedabad. Nous en profitons pour refaire un tour dans le marché.

Le déjeuner est prévu chez lui également ; l’une de ses quatre soeurs (la mère de Helly) est venue faire la cuisine pour lui et pour nous, et c’est impressionnant de la voir déguster des piments verts à peine revenus dans la poêle, comme si c’étaient des chocolats… Nous esquivons quant à nous la dégustation de piments et nous contentons d’un bon repas végétarien traditionnel, après lequel, très gentiment, Jaghdir nous masse (moi les cervicales, et Yann le dos) avec une huile naturelle de sa composition.

Dans l’après-midi nous terminons nos visites par le temple jain d’Ahmedabad, un très joli monument de marbre blanc entièrement sculpté de silhouettes, et notamment celles d’apsaras, des sortes de nymphes dansantes au corps de rêve – par contre les photos sont interdites à l’intérieur… bon, OK, on en a volé quelques-unes… – ; puis par le “shaking minaret”, une double tour réputée pour résister à tous les tremblements de terre, et ce grâce à un procédé de construction mystérieux jamais élucidé.

Ensuite, c’est retour à l’hôtel pour le dîner – et surtout le coucher : on n’en peut plus !!! Mais cette longue balade a été pour nous un bon moyen de découvrir un peu mieux la ville. et nos premières impressions se confirment : ici, c’est une Inde plus rurale que celle que nous avons pu rencontrer à Delhi, Haridwar; Amritsar ou bien évidemment Chandigarh.

Raconté par Amélie.

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