Amritsar et la Wagah border
Du lundi 3 septembre au mercredi 5 septembre.
Aujourd’hui, lundi 3 septembre, nous partons pour Amritsar (en bus, encore une fois), histoire de visiter la ville sainte des Sikhs – vous savez, les Sikhs, ces barbus en turban qui sont tout sauf des Talibans ? Ils pratiquent une religion monothéiste issue de l’Hindouisme mais qui emprunte aussi beaucoup à l’Islam soufi, majoritaire à l’époque où Guru Nanak, le fondateur du Sikhisme, a commencé à prêcher (aux XVème-XVIème siècles). Ce qu’il y a de particulier avec cette religion, c’est qu’elle est profondément liée au Punjab (où elle est née), l’Etat le plus riche du nord de l’Inde (car très agricole et producteur de nombreuses denrées qui alimentent le pays tout entier). Lors de la Partition, en 1947, le Punjab a été morcelé et certains des monuments sacrés des Sikhs se sont retrouvés en territoire pakistanais ; néanmoins, le principal d’entre eux, le Temple d’or d’Amritsar, est resté du côté indien, tout près de la frontière. Nous partons donc à la fois pour admirer le temple et me permettre de poursuivre mes recherches sur le Sikhisme, mais aussi pour faire une excursion jusqu’à la frontière indo-pakistanaise, au seul endroit de passage légal entre les deux pays : la Wagah Border. Bref, c’est encore cinq heures de bus qui nous attendent, mais cette fois-ci, on prend le Deluxe, avec air conditionné et fauteuils inclinables !!! Et on sent bien qu’on est au Punjab, avec tous les turbans alignés au-dessus des fauteuils…
Avant cela néanmoins, nous sommes invités à aller prendre le thé chez Misha, dont la mère s’est enthousiasmée pour ma façon de danser. Et il se trouve que Misha est la fille du Chief Justice (le plus haut degré de la magistrature) de l’Etat du Cachemire, et que sa mère décide de prendre en charge notre arrivée à Amritsar afin que nous ne soyons pas trop en galère (je crois qu’elle ignore comment nous avons voyagé jusqu’à maintenant…). Un coup de fil plus tard et ça y est, c’est arrangé : un juge chandigarhien de ses amis a lui-même un ami qui est, lui aussi, juge, mais à Amritsar. Il nous appellera dans l’après-midi pour s’occuper de nous (c’est gentil, donc on ne peut pas dire non…). Et en effet, à l’arrivée à Amritsar, malgré quelques galères de téléphone (Yann a par erreur vidé notre forfait prépayé en se connectant à internet sur le portable), un véhicule avec gyrophare vient nous récupérer et nous emmène dans un “petit hôtel propre à moins de 1000 roupies la nuit” à ma demande… sauf que ledit petit hôtel s’avère être un hôtel de luxe, et notre chambre… une suite. Notre nouvel ami, le juge d’Amritsar – un monsieur adorable – nous assure qu’on nous fera une réduction, et, un peu coincés par la situation, nous n’osons pas dire non. Et il faut dire aussi qu’on prend un certain plaisir à commander le service d’étage pour dîner dans notre salon devant une télé écran plat qui propose des films américains, à prendre un bain dans une baignoire deux places, et à dormir dans un lit king size extrêmement moelleux…
De fait, nous nous doutons bien que la chambre nous est offerte (il s’avère que c’est un hôtel quasiment réservé à la magistrature et que celui qui le dirige est très copain avec notre ami juge), mais nous nous attendions tout de même à payer nos repas… sauf que non ! Le lendemain, au check-out, tout est payé, tout est offert – et en plus on nous donne des chocolats avec les compliments de la direction !!! Le chauffeur du juge est là pour nous emmener au Temple d’Or afin qu’un Sikh nous prenne en charge – on ne nous laisse pas un instant nous débrouiller tous seuls… Les Sikhs nous reçoivent un peu froidement au départ, curieux de savoir ce que nous faisons là, et puis se dérident quand ils constatent que je connais bien cette religion, et surtout la situation des Sikhs en France. Nous discutons à bâtons rompus pendant plus d’une heure, puis déposons nos affaires dans la guest house du Temple d’Or. C’est sûr qu’à 500 roupies la nuit, on est assez loin du confort de la veille – mais hier était un accident de parcours… Et après quelques minutes de repos, nous entamons notre visite du coin par le Jallianwala Bagh, un parc-mémorial où un massacre de civils s’est produit sous l’occupation anglaise.
Bon, je dois avouer une chose : à partir de maintenant je ne peux plus prendre de photos car j’ai laissé tomber un appareil avant de prendre le bus, et l’écran est cassé… Yann ne m’en veut pas trop (enfin je crois…) car il avait lui-même fait tomber un objectif qui, heureusement, n’a rien eu, mais le résultat c’est une certaine forme de handicap. Sans appareil photo, et même avec la vidéo, je me sens un peu démunie… Bon, pas grave, à lui tout seul Yann a pris 12000 photos de la Wagah Border, où nous nous sommes rendus juste après la visite du Jallianwala Bagh. Une petite série ci-dessous et une vidéo pour que vous vous rendiez compte de l’ambiance qui règne dans cet endroit assez particulier (pour lequel nous avions des passes VIP, toujours grâce à notre ami le juge), où tous les soirs a lieu, en présence de toute la foule qui le souhaite, une cérémonie d’ouverture de la porte et de lever du drapeau, entièrement chorégraphiée à base de jetés de jambe dignes de danseuses de French cancan, et qui implique militaires pakistanais et indiens. C’est assez fiévreux car tout le monde a à coeur de crier plus fort que son voisin (“Vive l’Inde !”, “Vive le Pakistan !”), d’agiter moult drapeaux et de prouver son patriotisme, mais c’est au final assez bon enfant (pas de messages de mort du genre euh… “qu’un sang impur abreuve nos sillons” par exemple, au hasard…). Situés où nous l’étions nous avons pu bénéficier à la fois de la musique (à donf) du côté indien, et de la musique (à donf) du côté pakistanais, donc nos oreilles en ont pris un sacré coup ! C’est aussi là qu’on peut se rendre compte que les différences entre l’Inde et le Pakistan sont peu nombreuses ; les Pakistanais parlent urdu et les Indiens hindi ; du côté pakistanais les femmes et les hommes s’assoient dans des tribunes séparées, alors que du côté indien les tribunes sont mixtes ; et les soldats indiens sont moustachus alors que les soldats pakistanais sont barbus – mais tous sont plus grands que la moyenne nationale. Voilà.
Après cela nous avons dîné en famille avec le juge, sa femme et leurs trois enfants, en échangeant sur les différences culturelles entre notre pays et le leur – ils étaient par exemple très curieux de savoir si l’institution du mariage était quelque chose de sacré chez nous aussi… – avant de nous dépêcher de revenir au Temple d’Or pour la cérémonie du soir – que nous avons en réalité ratée, arf.
Le Temple d’Or est un immense complexe de marbre blanc dans lequel, au milieu de bassins d’eau pure, le saint des saints, sous la forme d’un cube d’or, est relié à l’enceinte par une simple passerelle. La vue sur le temple et ses bassins, de nuit, est splendide, et c’est assez impressionnant d’admirer l’organisation des Sikhs, qui, après la cérémonie, se partagent les différentes tâches à effectuer (bien entendu bénévolement) avec maîtrise et contentement. Les sept nains sifflaient en travaillant ; eux, ils chantent, récitent des psaumes, et tout cela en briquant les lustres, en passant le balai, en lavant les torchons ou en pliant les bandanas (à moins que ce ne soit l’inverse). Pendant ce temps, certains se détendent en prenant un bain dans le bassin sacré, pendant que d’autres se préparent à passer la nuit à la belle étoile sur le sol de marbre.
A 4 heures du matin je suis allée voir la cérémonie du début de la journée, lors de laquelle les Sikhs “réveillent” leur livre sacré, le Grant, considéré comme le dernier gourou, et donc à ce titre traité comme un être humain (levé, couché, bordé…). Yann n’a pas réussi à me suivre et je dois avouer que, sitôt la cérémonie terminée, je suis retournée prendre deux heures de sommeil en plus… Un minuscule extrait pour que vous ayez une idée (ça dure une demi-heure, on ne va pas vous infliger ça…) – là c’est le moment où le Livre est amené depuis sa chambre dans sa chaise à porteurs, sous les jets de pétales des adorateurs…
Cinq heures de bus (local, à nouveau, hélas) plus tard, nous revoici à Chandigarh pour dîner entre amis et passer une dernière nuit chez Varun et Barsha. Demain, départ pour Delhi… si tout va bien.
Raconté par Amélie.