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Dwarka et Porbandar

Puplié le

Lundi 17 septembre

La nuit dans le bus s’avère correcte – autant qu’on peut en espérer d’une nuit de ce genre. Pas de musique casse-bonbons ou de diffusion d’un film bollywoodien à fond les manettes, pas de conversation criée entre les usagers du bus – bref, un silence approximatif (klaxons et bruits de route habituels quand même, faut pas déconner) qui nous permet de trouver le sommeil. Evidemment, le “lit” n’est pas bien large et surtout pas bien long, et comme il n’y a pas d’espace extérieur pour les bagages (ni de soute), nous dormons avec nos quatre sacs. Donc j’ai les pieds en hauteur, posés sur les sacs (en même temps, c’est bon pour la circulation à ce qu’il paraît) et Yann, comme d’habitude trop grand pour les formats indiens, touche le mur avec sa tête et le mur opposé avec ses pieds. Mais on s’en sort et on passe la nuit – un peu rompus quand même à l’arrivée. Vers 5-6 heures du matin je me réveille car le bus est à l’arrêt ; et en voici la raison :

Je trouve ça plutôt sympa, et, de toute façon, j’aime l’Inde à cette heure matinale : elle y est encore paisible. Mais la fatigue a quand même raison de moi et je me rendors. Nous nous réveillons à bon port : ça y est, c’est Dwarka, l’une des villes saintes de l’Inde, située tout au bout du Gujarat, sur une petite péninsule au-delà de laquelle il n’y a plus que la mer… A peine arrivés nous sautons dans un rickshaw pour nous rendre à l’hôtel conseillé par Jaghdir. Hélas, même recommandés par lui, nous peinons à nous faire comprendre (personne ne parle anglais) et visiblement, sans réservation, impossible d’y avoir une chambre. C’est con ; nous voici largués dans une ville inconnue et apparemment peu anglophone, avec vingt ou trente kilos de bagages sur le dos… mais après plus de trente minutes de marche nous finissons par trouver un autre hôtel, sur le front de mer. Les tarifs sont plus élevés que nous le souhaitions, mais franchement, on n’a plus le choix. La chambre donne sur la mer, elle est relativement propre – on va faire avec. Un peu remis de nos émotions – et surtout, après la douche et un petit-dej dans le restau pas très agréable de l’hôtel (une cantine à la lumière au néon, et où l’accueil n’est que moyennement aimable) – nous partons pour découvrir la ville. En fait, Dwarka, c’est tout petit ! La ville est célèbre surtout pour son temple, qui est un haut lieu de pèlerinage pour les hindous. Situé en hauteur, celui-ci surplombe la mer, et la ville se regroupe en fait autour de lui : un marché à droite, un espace de baignade (qui, comme d’hab en Inde, signifie lavoir + salle de bains) à gauche, des vendeurs de bricoles religieuses partout… ça y est, on a fait le tour. Au marché, notre présence fait, comme d’habitude, office d’attraction du jour, mais aujourd’hui c’est particulièrement sympa car cela nous permet de prendre quelques photos de ces paysans qui nous fascinent, car ils réclament eux-mêmes d’être photographiés. Leurs costumes (surtout ceux des femmes, qui ne portent pas le sari mais une jupe, un choli et un grand voile, souvent rouges, ou encore noirs et rouges), leurs bijoux (les boucles d’oreilles énormes des femmes comme des hommes), les turbans (très différents des turbans sikhs) et autres chapeaux masculins ; mais aussi le moyen de transport qu’ils utilisent apparemment le plus (une sorte de carriole très bariolée montée sur un tricycle, le tout estampé Royal Enfield, la marque légendaire de motos indiennes), tout nous plaît, et nous ne savons où donner de l’objectif. Et comme partout en Inde – mais, il nous semble, encore plus que d’habitude -, les vaches sont là… Tout un chacun se fait fort de leur donner un truc à manger (en effet, la vache étant considérée comme sacrée, la nourrir est en quelque sorte une offrande à la divinité maternelle que la vache incarne).

Ensuite nous nous attaquons au temple, mais comme les photos sont interdites à l’intérieur nous ne pouvons pas vous en faire profiter… L’ambiance y est assez animée, les dévots attendent visiblement la célébration qui va avoir lieu dans une demi-heure (horaire auquel le temple va fermer aux visiteurs étrangers) ; les hommes psalmodient dans un coin, les femmes chantent dans un autre ; tous sont assis par terre. Certains font la queue pour adorer l’idole et lui rendre hommage (à coups d’espèces sonnantes et trébuchantes ou d’offrandes alimentaires). Nous faisons le tour du temple puis, alors que nous allions repartir, un brahmane (prêtre ou moine) nous arrête pour une petite bénédiction – après laquelle, bien entendu, il réclame rétribution… l’argument étant qu’il faut nourrir les brahmanes. Bon, honnêtement, celui-ci n’a vraiment pas l’air de mourir de faim – il est gras et replet – et nous ça nous emmerde qu’on monnaie les bénédictions. Une bénédiction, ça ne s’achète pas quoi (Luther a déclenché une guerre civile à-peu-près pour ces raisons-là… je suis un peu protestante sur les bords, oui) ! Donc nous affirmons avoir déjà mis de l’argent dans la boîte à offrandes et nous fuyons. On sait, c’est mal. Mais à notre décharge, on a déjà payé l’entrée au temple – et comme d’hab l’entrée pour les touristes étrangers est dix à vingt fois plus chère que pour les Indiens… offrande faite donc. Et surtout, on préfère donner aux vrais nécessiteux – entre autres une petite vieille aveugle qui mendie à la porte du magasin où nous entrons.

Dans l’après-midi nous partons avec le chauffeur que nous avions réservé pour faire une bonne balade dans les alentours. Le coin regorge de temples et de lieux sacrés, et il paraît qu’il faut absolument faire une promenade en bateau jusqu’à Bet-Dwarka, une petite île qui est, elle aussi, un haut lieu de pèlerinage. C’est assez confortable car tout cela se fait en voiture, et notre chauffeur sait où aller. Sur le chemin, nous traversons des carrières de sel exploitées par Tata, le géant industriel indien (ici, le pétrole, c’est Tata, les télécommunications, c’est Tata, les voitures, c’est Tata – et visiblement, le sel aussi c’est Tata). Dans le premier temple, une statue moderne, géante et polychrome de Shiva nous arrête quelques instants. Les dévots circulent autour de la statue pour aller toucher le nez de la peau de panthère sur laquelle le dieu trône. Nous y admirons aussi un arbre sacré, orné de fanions colorés – principalement en orange, couleur sacrée de l’hindouisme -, auquel les dévots viennent faire révérence. Dans le deuxième lieu – en réalité une succession de petits temples anciens situés en bordure de rivière – nous passons un peu plus de temps car des femmes m’embarquent à l’intérieur du plus ancien de ces petits temples pour une séance de bénédiction (cette fois purement gratuite, et avec le sourire !) qui m’émeut beaucoup. Leur seule volonté était vraiment de me montrer leur dieu et leur temple et de partager un moment avec moi. J’aime… Pendant ce temps, Yann prend à sa demande des photos d’un monsieur atteint de la lèpre, en m’attendant au bord de la rivière. A ma sortie du temple nous en profitons pour faire une séance de pose avec les dames en question.

Ensuite nous prenons la route pour le port ; les pêcheurs retapent leurs filets pendant que les éternelles vaches se couchent pour une dernière rumination… Nous nous dirigeons vers l’embarcadère : c’est toute une aventure de prendre le bateau avec les pèlerins !!!! A chaque instant nous craignons de tomber à l’eau : ça pousse, ça tire, ça double, ça marche sur les pieds… une vieille dame s’accroche à mon épaule, je suis noyée dans la foule. Heureusement, Yann, du haut de son mètre 86, dépasse toujours tout le monde et je ne peux pas le perdre de vue… D’un coup, alors que nous attendons le bateau, surgit une barque réservée par un groupe de touristes français ; leur guide nous reconnaît (il nous a entendu parler français à l’arrivée au port) et nous propose d’embarquer avec eux. Solution de facilité, moins exotique que de faire le trajet avec les Indiens… Yann regrette que nous disions oui, mais difficile de refuser, leur barque a déjà fait demi-tour pour revenir nous prendre… Le trajet ne dure pas très longtemps cela dit, et nous nous séparons sitôt arrivés sur l’île. Une énième visite de temple ne nous disant trop rien, nous en profitons pour nous promener en dehors des sentiers battus pendant environ une heure (campagne et maisons colorées à moitié détruites) – et comme d’habitude, les enfants sont les premiers à nous repérer et à venir nous demander des photos, mais cette fois-ci ils sont vite rejoints par un adulte tout heureux de se voir en photo. C’est l’heure du retour, et cette fois nous comptons bien embarquer avec les Indiens, histoire de vivre l’expérience d’un bateau bondé (allons-nous couler ???) et animé comme on aime. Et en effet, c’est l’occasion d’une série de rencontres et surtout d’une série de photos avec les Indiens et surtout les Indiennes, ravies de poser avec nous. L’une d’entre elles veut même que je pose avec son bébé, Meet (je ne sais pas si c’est une fille ou un garçon mais au moins j’ai le prénom !). D’abord peu rassuré, le bébé en question se met à me faire des sourires… c’est chou.

La nuit tombe, et le port devient sombre. Notre chauffeur nous récupère et prend un raccourci pour rentrer plus rapidement. Sur le chemin, un dernier arrêt dans un petit temple à l’heure de la prière, et ça y est, notre journée est terminée…

Mardi 18 septembre

Le personnel de l’hôtel s’est avéré très serviable, donc finalement pas de regret quant à ce choix forcé. Mais il est quand même temps de reprendre la route, car Porbandar nous attend, et ce n’est que de Porbandar que nous pourrons rallier Tarnetar. Enfin, même pas Tarnetar, mais Chotila, la “grande” ville la plus proche de ce bled où se tient le festival auquel nous allons assister. A Porbandar, peu d’attractions semble-t-il, mais c’est la ville de naissance du Mahatma Gandhi – donc un lieu saint en soi, aussi, même si c’est plus démocratique que religieux cette fois-ci. Cela dit, il nous faut encore faire quatre heures de bus avant d’arriver… La route est jolie, elle longe la mer en plusieurs endroits, mais c’est encore un bus local où les fessiers morflent et où le trajet semble long comme un jour sans chapati… bref, nous finissons par arriver à Porbandar, totalement morts de faim. Pas un resto autour de nous, argh, comment va-t-on faire ? Nous avons toujours nos bagages sur le dos (mon Dieu, mais heureusement que Jaghdir nous en a gardé la majorité, je n’ose même pas imaginer comment on aurait fait sans lui !!!), et pas prévu de prendre un hôtel ici car nous repartons ce soir même pour Chotila. Et d’ailleurs il faut qu’on réserve nos tickets de bus ! Nous expliquons à un rickshaw-wallah pas très bilingue que nous voulons manger continental (occidental), et il nous dépose devant une épicerie… aïe, on s’est mal fait comprendre. Mais en fait – oh, joie ! – les deux vendeurs (Chetan et Kiran) parlent très bien anglais et ont l’habitude d’aider les étrangers paumés. Un coup de fil plus tard et ils ont réservé nos billets de bus pour nous. Ils nous notent l’adresse de deux restaus et nous expliquent qu’ici les restaus sont forcément dans des hôtels. Enfin, l’un d’entre eux nous emmène jusqu’à l’agence de voyage pour que nous puissions récupérer nos billets. Clairement : nos sauveurs !!! Une demi-heure plus tard nous sommes attablés dans un restau correct, billets de bus en poche. Yes !!! Bon, il ne faut pas non plus s’éterniser, car nous avons quelques visites à faire. Euh, en fait, nous n’avons qu’une visite à faire… et même si elle est intéressante, elle s’avère un peu trop courte pour remplir l’après-midi. Surtout qu’avec les sacs que nous portons ça reste un peu pénible de beaucoup marcher, et qui plus est de gravir les “escaliers” (plutôt des échelles en fait) qui relient entre eux les étages de la maison natale de Gandhi, aujourd’hui accolée à un grand bâtiment de couleur crème qui sert en quelque sorte de musée à la gloire du père de la nation. Donc on prolonge la visite par une balade à la plage – et quelle plage ! Un truc carrément crade voire glauque où traînent quelques gamins pauvres, et où l’horizon dessine les silhouettes de bâtiments industriels et d’usines… Harrassés par les mômes en question, nous finissons par lâcher l’affaire, et vers 17 heures nous sommes de retour dans le même restaurant… et notre bus est à 22h30… ça va être long.

La journée s’écoule donc devant l’ordinateur, à boire des lassis et des mango shakes et à grignoter. Ensuite nous passons une bonne heure à attendre le bus, assis dans la rue à côté des chiens les plus pelés, galeux et miteux que nous ayons jamais vus jusqu’à maintenant. Quand le bus arrive, c’est un vrai soulagement d’y monter, même s’il semble beaucoup moins confortable que le premier bus de nuit que nous ayons pris (pas de porte aux cabines mais des rideaux, et un espace moins haut de plafond car les couchettes sont en hauteur au-dessus de classiques fauteuils, contrairement au premier bus qui n’avait que des cabines). Mais bon, depuis quelques jours nous n’accordons plus la même valeur à la notion de confort, alors…

Raconté par Amélie

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