Exposition "Regards"
Du 28 avril au 3 mai 2016
Présentation
Yann Pagès vit à Montargis, mais c’est surtout lors de ses voyages à l’étranger qu’il se consacre à sa passion de la photographie. Humains ou animaux, les sujets se laissent prendre au piège de son objectif – sans jamais poser puisqu’il privilégie la photo de rue, l’instantané. Et si le photographe arrive parfois à voler une image sans être aperçu, souvent pourtant, au dernier moment, le regard fasciné ou admiratif, et en tous les cas empathique, qu’il porte sur ses sujets, lui est retourné. L’émotion naît alors, brutale, de cette rencontre parfois furtive, parfois prolongée, mais toujours intense…
Sa première exposition montargoise, « Regards », veut rendre hommage à cet échange en réalité triangulaire : l’émotion du modèle, saisie sur le vif par le photographe, est alors complétée par celle du spectateur. Plus qu’un échange visuel, la photographie se fait ici échange émotionnel dans ce jeu de miroirs où c’est moi que je découvre dans le regard d’autrui…
Vernissage
« Nous vous invitons chaleureusement à nous retrouver ce jeudi 28 avril pour le vernissage de l’exposition « REGARDS ». L’aboutissement de plusieurs années de travail pour le photographe Yann Pagès qui présentera une très belle sélection de clichés notamment réalisés au cours de ses nombreux voyages à travers le monde. N’hésitez pas à venir croiser les regards autour d’un verre de vin et à trinquer à l’ouverture de la cinquième exposition à la galerie Tables.empty.workshops ! L’exposition se prolongera jusqu’au 3 mai 2016, pour les absents il sera toujours temps de venir à la rencontre de ce travail photographique très sensible. » Ludivine Thomas, Benny Andersoon – https://www.facebook.com/tablesemptyworkshops/
Photographies exposées - Mur 1
En hommage à Mehul Rathod
Nous cherchons un rickshaw : aucun à l’horizon. Après une bonne demi-heure de recherches, sacs au dos, dans la chaleur et la poussière, nous tombons sur un homme qui propose de nous aider ; malgré son anglais inexistant il comprend ce que nous cherchons et nous trouve un rickshaw au prix local, sans rien demander en échange – que d’être déposé chez lui, sur le trajet. Nous dévions donc pour déposer notre guide, Valjibhai, chez lui ; il insiste pour nous présenter à sa famille – à TOUTE sa famille : mère, femme, enfants, frères, neveux, nièces, cousins… voisins. Il nous offre très généreusement des boissons (et même des cigarettes) qu’il envoie son fils acheter spécialement pour l’occasion. Le garçon, Mehul, qui a 17 ans, est allé plus longtemps à l’école que son père et il parle un peu anglais ; il s’improvise donc traducteur. Nous arrivons alors un peu à communiquer.
Après séance photo et échange d’adresses, Valjibhai, qui tient absolument à nous faire visiter son lieu de travail, m’embarque sur sa moto et cale Amélie avec son fils dans le rickshaw. C’est parti pour une vingtaine de minutes de balade – avec un arrêt regonflage de pneus. Et lorsque nous arrivons à l’usine, nous nous apercevons qu’il s’agit d’une fabrique de sanitaires ! Le fils y est l’assistant du père qui, lui, y travaille comme céramiste (et cela suffit à les désigner comme des Intouchables, puisque tous les métiers un peu « honteux » ou « impurs », comme la fabrication des toilettes par exemple, sont réservés, encore aujourd’hui, à la catégorie des sans-castes, la classe sociale la plus basse, la moins bien considérée en Inde). Ils nous offrent une visite guidée de leur lieu de travail, avant de nous accompagner encore un moment sur la route où nous restons coincés par un énorme bouchon dû à un passage niveau. A un moment, dans la conversation, Valjibhai nous propose – à moitié en plaisantant, mais à moitié seulement – d’emmener son fils avec nous en Europe pour qu’il ait une meilleure vie… Avec le cagnard qu’il fait, ils s’inquiètent pour nous et nous achètent de l’eau… ils sont vraiment très gentils. Ensuite, ils reprennent la route de leur côté et nous continuons jusqu’à Chotila.
Trois semaines plus tard, alors que nous sommes chez des amis à Bangalore, nous apprenons la nouvelle de la mort de Mehul, le fils de Valjibhai. Il a en effet été tué par la police à la fin du festival de Tarnetar, deux jours après notre rencontre. La police a dû intervenir dans un affrontement entre castes qui opposait des Dalits à des bergers, et ce sont quatre jeunes Dalits (Intouchables) qui ont été blessé pour l’un, et tués pour les trois autres. Aujourd’hui la famille de Valjibhai, qui a menacé le gouvernement du Gujarat de suicide collectif si l’affaire n’était pas prise au sérieux, est encadrée par une association de protection des Intouchables et mène une campagne contre les policiers qui sont intervenus – notamment l’un d’entre eux, issu de la caste des Csatriya, les guerriers -, qu’elle accuse d’avoir assassiné Mehul. D’énormes manifestations de Dalits et de Csatriyas (qui prennent parti pour le policier arrêté) ont eu lieu dans leur village, qui est en quelque sorte sinistré : ça vire à la guerre des gangs – ou ici, des castes. La justice doit s’en mêler afin de déterminer la part de responsabilité de la police dans la mort des jeunes Dalits.
Hormis la compassion que nous avons pour Valjibhai et sa femme, pour qui perdre leur seul fils n’est pas qu’une souffrance mais aussi une hypothèque sur l’avenir (compte-tenu du rôle prépondérant du fils dans la prise en charge des parents une fois âgés, les filles étant, elles, données à la belle-famille, et le garçon devant, seul, assumer ses parents), et la peine que nous ressentons à l’idée qu’un si jeune homme soit mort si tôt, nous nous sentons également très choqués par cette violence que nous avons frôlée à Tarnetar. Les castes sont officiellement abolies depuis l’indépendance de l’Inde, donc depuis plus de soixante ans, mais leur permanence est vivace dans l’esprit des Indiens. Tout cela est un abominable gâchis…
Elément encore plus émouvant pour nous : si Valjibhai et sa famille nous écrivent aujourd’hui, c’est pour nous demander d’envoyer les photos que nous avons prises lors de notre rencontre. Ils ne possèdent en effet aucune photo de leur enfant disparu…
(Mehul est le troisième à droite sur la photo).
Photographies exposées - Mur 2
Photographies exposées - Mur 3
Catalogue d'expositions
C’est le retour de tables.empty.workshops, la petite galerie éphémère des mois d’avril et mai à Montargis !
Après 6 semaines d’ouverture, 8 événements/expositions, 21 artistes, plus de 200 oeuvres et des centaines de visiteurs… c’est l’heure de la présentation du catalogue broché de 280 pages créé par Ludivine Thomas et Benny Anderson.
Venez nombreux admirer le catalogue, partager un verre et nous rencontrer !
Jeudi 22 septembre 2016
Cocktail de 18h à 21h
Librairie du Hérisson
70 rue du Général Leclerc – 45200 Montargis