Kashmir : Srinagar
Jeudi 4 octobre
Hier nous avons donc dîné chez le Chief Justice du Cachemire. Notre chauffeur nous a d’abord amenés à la guesthouse où M. Rashid nous attendait. Notre chambre est sommaire mais propre et chaleureuse (au sens propre, plus chaleureuse que l’hôtel de Perhagam !) et c’est aussi un Sikh très gentil et serviable qui la gère. Bon, notre statut d’invités du Chief Justice rend peut-être tout le monde autour de nous hyper gentil et serviable il faut dire… difficile de juger. Mais à ce moment, le Chef Justice, nous ne l’avions pas encore rencontré… et c’est un peu catastrophés par notre look de routards – et en nous en excusant beaucoup – que nous nous sommes justement rendus chez nos hôtes. Il y avait là Misha, sa sœur et sa mère, que nous connaissions déjà – et puis son père, le fameux Chief Justice, un homme très bienveillant avec un bon sourire et qui nous a rapidement mis à l’aise – surtout lorsqu’il a découvert que Yann était en mesure de l’accompagner au whisky. Et puis un autre juge est arrivé ¬- tout aussi gentil et amateur de whisky -, accompagné de sa femme et d’une amie… un Sikh encore (le Cachemire serait-il une annexe du Pendjab ?), mais qui, dès qu’il apprend que je m’intéresse au Sikhisme, s’est très rapidement dédouané en m’expliquant en rigolant que malgré sa barbe et son turban, il n’est qu’un faux Sikh – en gros, qu’il n’y connaît rien en sikhisme. Par contre, la jeune femme qui les accompagnait, lui et son épouse, s’est convertie au sikhisme pour épouser son mari, et nous avons discuté un instant elle et moi. Pour vous décrire un peu l’environnement dans lequel nous nous sommes retrouvés, avec nos fringues de pouilleux (par exemple nos chaussures… moi j’avais le choix entre mes sandales et mes baskets, et le temps ne me permettait pas vraiment les sandales voyez-vous ; et nous avions tous les deux opté pour le confort de nos pulls en polaire… classy donc) : imaginez une magnifique maison blanche (de fonction), située dans un grand jardin dont la porte est surveillée en permanence par des gardiens (il faut montrer patte blanche pour entrer) ; avec une entrée où un serviteur vous accueille d’une révérence (mais sans dire un mot) en vous présentant un plateau de boissons, puis vous fait passer au salon – au premier salon devrais-je dire, décoré d’un plafond en boiseries et agrémenté de canapés et de fauteuils sur toutes ses faces – même si la distance d’un mur à l’autre est d’environ quatre mètres (ce qui fait que votre interlocuteur se tient donc à bonne distance de vous) ; avec une hôtesse et ses invitées en salwar kameez de grand couturier et un hôte et son invité en costards, et un serviteur qui fait des allers-retours silencieux pour vous présenter les différents plateaux de l’apéritif en toute discrétion, histoire de ne pas perturber la conversation… tout à fait le monde dans lequel nous sommes habitués à évoluer. Mais on s’adapte, et ce d’autant plus que nos hôtes étaient très gentils et souriants, et qu’on a même pu blaguer avec eux (les blagues, c’est la french touch, faut pas déroger à notre réputation !). Après l’apéro (délicieux d’ailleurs, le cuisinier est excellent… ben oui, il y a un cuisinier !), nous sommes passés à la salle à manger, où un buffet était servi sur la table. Nous avons donc mangé debout autour de la table – esprit réception. Nos hôtes ont eu à cœur de nous préparer des plats locaux, il y avait donc du mouton (la viande la plus courante chez les musulmans) et différentes préparations plus ou moins épicées. C’était très bon mais nous n’avons pas pu nous resservir autant qu’ils l’auraient voulu ! Tout le monde était très content, du coup le juge sikh nous a tous invité à venir dîner chez lui le lendemain – donc ce soir. Et après le repas, nous avons terminé la soirée entre “jeunes” (ahum… Misha a 24 ans et sa soeur 20 !) à discuter notamment de cette tradition du mariage arrangé qui reste monnaie courante en Inde… Nous sommes partis à 1H, crevés.
Ce matin nous avons rendez-vous avec Misha et l’éternel M. Rashid pour une visite de Srinagar. La nuit a été courte mais plutôt confortable, mais ce matin la salle de bains nous fait bien rire : elle est grande et tout à fait propre, mais elle possède des fenêtres (dont l’un des carreaux est cassé) qui donnent sur… la salle de bains de la chambre voisine ! Bref, pour l’intimité c’est pas trop ça, mais elle a l’eau chaude (elle !), et franchement pour le prix (500 roupies), c’est nickel. Je prends donc ma douche “avec” le voisin, qui chantonne en se lavant sur les titres pop qui passent dans le même temps à la radio ; tout cela est charmant. Comme la guesthouse est située dans un très joli jardin fleuri, Yann s’empresse d’aller faire quelques photos en attendant Misha, qui doit venir nous chercher mais qui est en retard (grosse dormeuse, la Misha…)… au final, c’est nous qui irons la chercher dans la voiture de M. Rashid, pour commencer notre excursion dans Srinagar.
Misha nous a organisé une petite visite qui se terminera par du shopping – je m’en réjouis d’avance ! Nous commençons par le lac, qui nous charme immédiatement. Nous nous arrêtons d’abord pour visiter un kettuvalom, ces bateaux-maisons devenus des hôtels 4 ou 5 étoiles, et dont nous pensions qu’ils étaient l’attribut du Kerala, cette région du sud de l’Inde où nous nous rendons dans quelques jours. Mais non, il y en a aussi au Cachemire, et nous en visitons rapidement un… de quoi confirmer que ça n’est pas dans nos moyens !
Notre balade à nous se fait en s(h)ikkara, la barque locale. Certes, c’est très touristique (même si les touristes sont surtout indiens), mais nous ne sommes pas nombreux à nous promener sur le lac en semaine à cette heure-ci, et du coup, sitôt que nous nous éloignons un peu de la rive la plus proche de la route, où se tiennent les barques des marchands de bimbeloteries, la promenade devient on ne peut plus paisible. Nous passons au milieu des villages flottants de pêcheurs qui cultivent le lotus, croisons des écoliers qui viennent de finir la classe et rentrent chez eux en barque, des paysans au travail, et beaucoup d’oiseaux qui se cachent dans les feuilles de lotus et de nénuphar… C’est ravissant, et perturbé seulement par instants par le bruit d’un bateau à moteur. M. Rashid rame en tête de bateau, pendant que le “capitaine” rame à l’arrière ; Misha donne un coup de main pour s’amuser, et Yann et moi trônons comme des rois sous le dais rouge qui surmonte le bateau. J’ai même droit à une fleur de lotus pour jouer les apsaras en me couronnant de cette parure aquatique… une princesse on vous dit ! Et puis je suis contente car j’ai récupéré l’appareil photo que nous avions laissé à Chandigarh, qui finalement fonctionne encore – donc je peux refaire des photos, enfin ! Quant à Yann il a déjà l’œil collé à l’objectif, en photographe-ornithologue qu’il est… On voit quelques Indiens s’essayer au ski nautique, et on passe au milieu de pétales de fleurs qui ont été jetés là pour la réception d’un officiel qui s’est tenue la veille, et qui surnagent encore sur l’eau transparente… Au bout d’une heure nous nous arrêtons sur une petite île appelée “l’île aux quatre arbres” (euh… parce qu’il y a quatre arbres dessus, c’est très élaboré comme nom) pour y boire un chai (une institution en Inde, le chai – thé – aux épices…)… Nous y oublions un peu le temps, et du coup coupons court à la promenade pour pouvoir continuer nos visites. En quittant le lac, on constate que c’est l’heure de la sieste… ils dorment tous dans leurs bateaux ! La chicha attendra…
Ensuite nous passons dans un magasin gouvernemental d’artisanat local, histoire d’admirer la production kashmiri. On y aperçoit aussi deux tigres blancs empaillés (pauv’bêtes), dont l’un a été reconstitué avec des oreilles… comment dire… bizarres. Néanmoins, M. Rashid nous recommande de ne rien acheter ici car il connaît les bons coins… et en effet, comme nous manifestons notre goût pour les objets en papier mâché (ce qui, au passage, se dit “paper mâché” en anglais, ce qui nous a bien fait sourire), il nous emmène chez son cousin, qui nous vendra tout au prix coûtant ! Ensuite, nous grignotons car nous avons raté l’heure du déjeuner, et nous finissons dans les boutiques de pashminas sans lesquelles une excursion au Cachemire ne serait pas complète…
Le seul point noir de cette journée, c’est notre passage à la poste – rappelez-vous, nous avions 15 kilos de bagages (euh… de shopping) à renvoyer en France, et nous n’avions pas pu le faire depuis Chandigarh. Du coup c’est M. Rashid qui s’y colle, et ce n’est pas peu dire qu’il va fournir tous les efforts possibles pour réussir à obtenir une réponse aux questions suivantes : cela est-il possible ? et combien cela coûte-t-il ? Mais face à l’impossibilité d’avoir une réponse claire (on aura droit à trois tarifs différents, et finalement à l’explication suivante : “Ca ne se fait que les lundi et mardi et la personne qui s’en occupe n’est pas là”), nous repartons Grosjean comme devant avec nos bagages sous le bras (en espérant obtenir une réponse plus tard par téléphone)… au grand détriment des militaires en place à l’entrée de la Poste qui avaient hâte de déballer un par un tous nos objets afin de vérifier si nous n’envoyions pas de la drogue ou des armes à notre famille en France (et je ne suis pas ironique quand je dis qu’ils avaient hâte).
Nous devons passer chez les Kumar pour partir avec eux dîner chez notre nouvel ami le juge sikh-mais-pas-trop. En plus, ils nous ont proposé d’utiliser leur ordinateur et leur téléphone pour vérifier nos emails et appeler nos familles, ce qui est plutôt sympa – même si Yann se désole de trouver toutes les maisons Pagès et Testolin vides… Du coup nous apprenons que Mme Kumar a aussi fait du shopping dans la journée, et qu’elle a des cadeaux pour nous : un pull en laine pour Yann et des pâtisseries pour moi (on se demande vraiment pourquoi !). Bon, on ne peut pas dire qu’on soit mal accueilli, vraiment… et la soirée est à l’avenant, avec encore un apéro et un dîner-buffet délicieux – à l’exception du “bitter goud”, un truc abominable du genre concombre super amer dont certains Indiens raffolent… Comme je comprends mal le nom de la chose, que j’entends comme « bitter God », je fais une blague (qui fonctionne quand même) sur le fait que Dieu devait être vraiment aigri quand il a créé ce légume (« God must have been really bitter when he created this vegetable » en V.O.). Une petite série de photos de famille dans le jardin pour ponctuer tout ça, et c’est l’heure de rentrer… Nous devons nous lever à 5h car notre avion est assez tôt (on a deux changements au lieu du changement annoncé au départ, ça va être un long voyage…), et nos bagages ne sont pas faits, haha. Et à minuit, un coup de fil du secrétaire particulier du Chief Justice m’avertit que nous devrons repartir avec nos (désormais 20 kilos de) bagages en trop car la solution “poste” s’avère impossible/trop compliquée à gérer. Mais comme il promet que les 20 kilos ne seront pas facturés (pouvoir du Chief Justice oblige), ce n’est pas vraiment un problème… on ré-essaiera la poste à Bangalore, on n’en est plus à ça près !
2 Commentaires
Le lotus ça se fume? Le tuyau, c’est pour boire?
ben c’est pour que le lotus boive oui. On n’a pas essayé de fumer du lotus, par contre si on avait voulu fumer autre chose c’était possible… à-peu-près partout d’ailleurs, on propose de la marijuana à Yann – et même de l’opium depuis qu’on est au Laos. :-S
Amélie