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Les bûchers de Pashupatinath

Puplié le

Franchement ça ferait pas un bon titre de roman, ça, “Les bûchers de Pashupatinath” ?
Petit à petit nous “défatiguons” et, ce matin, nous avons même réussi à nous lever à 8 heures, ce qui nous a permis de partir assez tôt en vadrouille et de mieux profiter de notre journée. Nous craignions en effet que la pluie, qui a tendance à tomber plus ou moins sérieusement à partir de 14h, ne handicape notre après-midi. Mieux valait se dépêcher et filer en direction de Pashupatinath dès que possible… Pashupatinath, c’est un grand site majoritairement hindouiste, dédié principalement aux crémations funéraires, mais c’est aussi un lieu de vie. Le fleuve, considéré comme sacré, est à la fois le lieu où l’on déverse les cendres des défunts, la piscine où s’organisent des concours de plongeons, et la baignoire géante où l’on se shampouine… On y fouille aussi, pour retrouver les bijoux avec lesquels les morts sont incinérés et qui y sont jetés en même temps que leurs cendres.

Le site est également payant et, cette fois-ci, nous avons en plus pris un guide, afin de bien comprendre les nuances de ce que nous étions en train de regarder. Le nôtre s’appelle Dilip et il parle plutôt bien français, surtout lorsqu’il s’agit de nous expliquer ce que sont le lingam (“le zizi”) et le yuni (“la foufoune” selon ses propres termes), les symboles de fécondité du dieu Shiva et de la déesse Parvati, représentés en 3D dans tous les temples hindous. Il est assez fort aussi en ce qui concerne les testicules (“les couilles” ou “les burnes”), et nous a d’ailleurs raconté une anecdote croustillante queça nous démange de rapporter ici : un jour, un collègue a lui était en train d’expliquer, devant une représentation du dieu Shiva en érection, l’importance de la trinité hindoue, “volonté-pouvoir-connaissance”, représentée par le trident du dieu Shiva. Quelques minutes plus tard, il entend un Italien qui se tenait derrière lui pendant cette démonstration expliquer à sa femme ce qu’il en avait compris : “Tu vois pour les Hindous le dieu Shiva représente la trinité volonté-pouvoir-connaissance, symbolisée par son testicule droit, son testicule gauche et son phallus…”. A la décharge de ce touriste ignorant, le sexe est partout dans l’Hindouisme, mais si mes souvenirs de l’Ecole du Louvre sont bons, c’est parce que le plaisir sexuel est la représentation symbolique du plaisir de l’union de l’âme humaine avec le divin (juste histoire de vous ôter de l’idée que les Hindous sont des obsédés sexuels). Je me demande si on ne peut pas aussi interpréter la présence de scènes d’actes sexuels dans les temples (et surtout dans les temples de Pashupatinath) comme la signification que la vie et la mort sont intrinsèquement mêlées…

Ceci dit la principale vocation de Pashupatinath n’est pas l’érotomanie mais bien la crémation funéraire. Les bûchers fonctionnent à plein temps, et nous avons même pu assister à la crémation d’un policier mort dans l’exercice de ses fonctions ; une énorme escouade policière était donc présente pour lui rendre hommage, et s’est recueillie sous les cris de la veuve pendant la préparation du corps. C’est à la fois fascinant et déroutant que la mort soit ainsi spectaculaire au Népal (comme en Inde), et plus que cela même, touristique… Nous payons pour regarder et avoir le droit de filmer et prendre des photos d’un événement pour le moins intime… et même si c’est particulièrement passionnant, car cela fait partie d’une culture que nous connaissons mal, c’est dans le même temps gênant et très émouvant. Les hurlements de la veuve, qu’ils fassent partie du rituel ou qu’ils soient sincères, prenaient véritablement aux tripes. Et évidemment, face à cette scène, on ne peut que se dire qu’un jour on en sera là nous aussi. Franchement, ça serre le bide…

Sur tout le site vivent de nombeux saddhus qui se promènent et hèlent le touriste afin qu’il leur lâche un peu de sous en contrepartie d’une ou deux photographies – pour lesquelles ils ont des poses toutes prêtes. La plupart d’entre eux sont habillés et maquillés en orange, mais nous en avons croisé un dont le visage était peint en vert – parce que c’est la couleur de la nature, nous a-t-il expliqué. Deux magnifiques personnages habillés en mauve se sont arrêtés pour nous parler, l’un (le plus gras) soutenant l’autre (très ascétique, car il s’agissait d’un yogi). Les saddhus sont des personnages assez drôles, que ce soit par leur apparence vestimentaire (nous avons particulièrement aimé le saddhu couronné de stickers et d’images) ou par leur capacité à vous soulager d’une pièce ou d’un billet supplémentaire avec le sourire. Comme quoi nul n’échappe au capitalisme, pas même les saints… d’ailleurs, notre guide nous a désigné les centres de méditation et de yoga qui surplombent la rivière, en les appelant “monétation” et non plus “méditation” !

Tout en haut du site, placé sur une colline, il y a un accès vers un petit parc dans lequel on trouve des singes, des daims et d’autres cervidés. Nous y avons fait une petite promenade pour admirer la vue sur la ville qui s’étalait à nos pieds.

Au sortir de l’enceinte se trouve un grand bâtiment dans le centre duquel se dressent cinq temples hindousites, entourés de galeries dans lesquelles logent des personnes (très) âgées et démunies, dont un centre social (géré par des soeurs de Mère Thérésa si nous avons bien compris) prend soin. L’appareil photo nous démangeait sérieusement car les costumes qu’elles portaient étaient magnifiques et leurs visages marqués extrêmement émouvants, mais nous n’avons pas osé les canarder, et n’avons finalement monnayé qu’une seule photographie (bientôt dans une galerie spéciale “Portraits du Népal”).

Il faisait extrêmement chaud et il a à peine bruiné aujourd’hui. Résultat, bien que Yann ait utilisé, à la manière asiatique, son parapluie comme une ombrelle, il a cramé des bras et du visage. Le bronzage camionneur, c’est pour lui ! Cela dit le mien n’est pas mal non plus, j’ai le nez joliment couperosé…

Après cette longue matinée nous sommes allés nous remettre de nos émotions dans le coin le plus touristique de Katmandou : celui des boutiques. Mais là, aucune photo, car tout sera dans des boîtes sous le sapin de Noël en décembre… à très vite !

Raconté par Amélie.

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