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Ooty – Kochi : des trains pas comme les autres…

Puplié le

…ou plutôt Ooty-Mettupalayam , Mettupalayam-Coimbatore, Coimbatore-Kochi. Bref, que du simple, rapide… efficace quoi. Surtout quand on sait que le trajet Ooty-Mettupalayam prend à lui seul environ trois heures et demie – un délai utilisé à franchir 45 kilomètres seulement… Alors pourquoi ne pas rallier directement Coimbatore depuis Ooty, en bus ? Eh ben parce que nous sommes maso, voilà tout. Et puis aussi parce que le petit train qui relie Ooty à Mettupalayam est en réalité un train panoramique, bien lent, certes, mais qui traverse des zones de montagne magnifiques – c’est ce qui se dit en tout cas. Pour tout vous dire, nous avons même décalé notre date de voyage du 16 au 17 lorsque, à la réservation, nous nous sommes aperçus que le train était déjà complet le 16. Alors nous voici, avec tous nos gros sacs, prêts à embarquer dans le plus mignon petit train du monde, que nous attendons patiemment dans la plus mignonne petite gare du monde…

Ca y est, le voici, on embarque. Je termine la conversation que j’étais en train d’avoir avec une jeune musulmane Indienne, professeur d’anglais au Koweit (très sympa et souriante, et suffisamment indépendante pour confier son fils de deux ans à son mari le temps de discuter tranquillement avec moi) et nous grimpons. Première (mauvaise) surprise : il n’y a pas vraiment de sièges mais des bancs minuscules et très inconfortables, peu pensés pour des grandes papattes et des gros popotins européens… Deuxième (mauvaise) surprise : il n’y a aucun espace pour ranger les bagages… et je rappelle que nous avons deux sacs chacun, dont deux grands qui ne se glissent pas sous les bancs… ha ha ha. Au début tout va bien, la voiture n’est pas blindée, nous posons donc nos sacs sur des bancs inoccupés. Mais très rapidement – puisque le train fait tous les arrêts qui existent dans cette zone montagneuse – le wagon se remplit, au point que dans les classes inférieures des grappes humaines débordent des portières et que de nombreux Indiens font le trajet assis sur les marchepieds… Un contrôleur fort mal-aimable vient alors nous rappeler que les bancs sont faits pour les personnes. On sait bien, lui disons-nous, et pas de problème, on les enlève. Mais maintenant, on les met où ? Dans des conditions différentes il nous aurait sans doute dit de les garder sur nos genoux, mais là, entre nos corps et le dossier du banc de devant, il n’y a pas de place pour un sac. Alors il nous désigne le couloir… Mais, objectons-nous, les gens ne pourront plus passer ! C’est oublier où nous sommes… l’Inde, c’est comme la fausse pub des Nuls : « Hassan Cehef, c’est possible ». Ici, on s’accommode de tout. Et personne ne nous fusille du regard en essayant de passer entre les sacs amoncelés (il n’y a pas que les nôtres), même pas cette femme en sari (je rappelle qu’un sari ne permet pas de faire de réelles enjambées) qui se retrouve la cheville coincée entre mon sac et celui de Yann et y abandonne même une sandale… Tout le monde, au contraire, continue de nous sourire. Impossible de ne pas songer, par contraste, à ces joyeux Parisiens qui profitent de l’heure de pointe, dans le métro, pour se donner de tendres accolades avec des sourires qui remontent jusqu’aux yeux… bref, en Asie, la mauvaise humeur, ça n’existe pas. D’ailleurs, l’ambiance est très bon enfant : certains passent le trajet à moitié penchés à la fenêtre à essayer d’attraper les plantes qui tendent leurs rameaux jusqu’à eux ; et, à chaque tunnel franchi (et il y en a quelques-uns), un « hoooouuuuuu » général se fait entendre, commencé par les adultes et attendu avec impatience par les enfants – Indiens et touristes ensemble.

Cela dit, il nous reste un troisième écueil à franchir : qui de nous deux aura droit de s’installer à côté de la fenêtre pour prendre les photos et les vidéos ? Attention, c’est un motif de divorce pour le moins ! Car si, au début, nous nous sommes assis l’un derrière l’autre, maintenant que le wagon ressemble plus à un wagon à bestiaux qu’à un mode de transport humain, impossible de rester chacun sur un banc, et surtout, impossible de songer à alterner régulièrement, vu la difficulté de se mouvoir entre les sacs et entre les bancs… Je laisse donc Yann, photographe officiel du voyage, prendre la place à côté de la fenêtre, et je m’incruste régulièrement sous son aisselle pour profiter, moi aussi, du paysage. Et, en effet, celui-ci est magnifique : les villages de montagne se succèdent, les plantations de thé suivent les rizières, et nous croisons, à la vitesse euh… disons catatonique, qui est la nôtre, des gens que nous avons le temps de détailler autant qu’ils ont celui de nous sourire avec curiosité. Certains marchent le long de la ligne de chemin de fer, d’autres nous font signe depuis leurs maisons colorées construites en bordure de rails ; les enfants surtout saluent avec chaleur. Il faut noter ici une intention louable du gouvernement du Tamil Nadu : dans le train, comme dans toutes les gares, des panneaux demandent aux voyageurs de prendre soin de la nature et de ne pas jeter leurs détritus n’importe où – une habitude indienne très difficile à abandonner. Et d’ailleurs, la preuve : la jeune femme qui se tient devant moi et qui distribue des gâteaux à son bébé ne se pose pas de questions ; à chaque gâteau désenveloppé, le papier qui le recouvrait finit balancé par la fenêtre. Ca me hérisse, mais je ne vais pas donner de leçons aux gens dans leur propre pays.

Nous marquons plusieurs arrêts dans de jolies petites gares, et, dans l’une, ce sont des singes qui sont presque sur le point de monter à bord. Visiblement habitués aux largesses des voyageurs, ils viennent quémander de la nourriture. Pendant qu’ils font la quête, les mécanos en profitent pour graisser un petit coup la vieille locomotive à vapeur – une locomotive qui crache beaucoup de fumée, ce qui commence à devenir gênant au bout d’une heure (surtout pour les asthmatiques comme moi).

Et enfin, nous finissons par arriver à Mettupalayam – annoncée par un changement de paysage radical : les eucalyptus et les pins cèdent la place aux palmiers et aux cocotiers qui clament haut et fort que nous sommes arrivés dans le Kerala – où nous avons deux heures d’attente… nous poireautons donc dans la gare, aux environs de laquelle il n’y a absolument rien, en grignotant et en buvant des boissons sucrées vendues à la buvette locale. Evidemment, comme le soir tombe, de très vilains moustiques attaquent – et c’est à cela que nous reconnaissons que nous avons changé d’altitude. A ça, et à la chaleur poisseuse qui règne dans le coin… Les moustiques sont tellement féroces que nous sommes obligés de nous asperger de produit, et surtout d’en asperger aussi nos sacs ! Et puis survient une autre sorte de gêneur – comme un moustique géant en somme : le gars qui a très envie de faire ta connaissance mais qui ne connaît que quelques mots d’anglais. Alors, il te les répète en boucle. Et à la fin de chaque boucle, il te sert la main – faisant naître en toi l’espoir que cette boucle-ci était la dernière – sauf que non, ça recommence ! On ne sait plus comment s’en dépêtrer, de ce jeune juge de profession, très excité par l’idée d’avoir des amis partout dans le monde. Parce que, en Inde, on est amis en deux secondes hein, ça c’est une règle. Donc voilà, nous sommes maintenant ses amis, il a mon email, et j’attends avec impatience qu’il m’écrive… (soupir).

Ensuite, nous prenons à nouveau le train pour trois-quarts d’heure de trajet, accompagnés de blattes – ce qui ne nous plaît pas beaucoup, car nous appréhendons d’avoir les mêmes compagnons de voyage dans le prochain train, celui où nous passerons « la nuit » (c’est-à-dire celui où nous tenterons de grapiller environ cinq heures de sommeil). Mais ce trajet passe vite et en plus – de façon assez surprenante en Inde – nous sommes seuls sur notre banquette. Enfin, c’est l’arrivée à Coimbatore : quatre heures d’arrêt environ – et on crève de faim, donc trouver où dîner s’impose. Mais avec nos énormes sacs, impossible d’aller bien loin. En face de la gare, un resto immense et blindé se dresse avec à-propos : c’est là que nous nous réfugions, espérant y passer au moins trois heures. Problème : le service est tellement efficace, et le public tellement nombreux, que nous parvenons tout juste à y rester une heure. Ensuite, il nous faut dégager rapidement, et nous finissons par échouer dans un bar assez glauque – glauque mais clean en fait. C’est étrange, à part dans les villes « modernes » comme Delhi, Bangalore et, évidemment, Bombay, aller dans un bar semble assez mal vu en Inde. L’alcool est quand même synonyme de mal ici – et quand on voit dans quel état ils peuvent se mettre et la violence qui en résulte, on peut comprendre. Du coup, les entrées des bars se cachent dans des recoins (ici, dans un parking !). Quant à l’ambiance, même si le bar est propre – version sanitaire presque, ou hôpital – les néons foireux qui s’allument parfois dans la quasi-obscurité n’évoquent chez nous que l’impression de se trouver dans un bar à putes du plus mauvais acabit. Mais faut pas se plaindre : on peut y boire un verre, et y patienter largement plus confortablement que dans la gare de Coimbatore. C’est d’ailleurs presque une obligation de boire, puisque les softs n’existent pas dans ce bar. En gros : on vient ici pour se bourrer la gueule et pour rien d’autre – ah si, pour fumer aussi puisqu’ici les cigarettes ne sont pas interdites. Les serveurs sont assez avisés pour servir beaucoup de petites choses à grignoter avec les boissons, histoire, sans doute, d’éponger… si nous avions su nous aurions moins bâfré au resto d’à-côté !

Bon, sur la fin, on n’en peut vraiment plus. La fatigue se fait sentir et nous nous mettons à rêver de nos couchettes probablement inconfortables – mais tellement bienvenues ! Il nous faudra patienter encore plusieurs grosses dizaines de minutes à la gare, en compagnie d’un énorme cafard très propre, qui passera cinq minutes au moins à se récurer les antennes, et de quelques Indiens endormis à même le sol, avant de pouvoir monter dans notre dernier train pour cette nuit. Nous devons arriver à Kochi vers 5 heures du matin ; le propriétaire de la guesthouse que j’ai réservée a affirmé que cela ne posait pas de problème, alors on devrait se retrouver dans un vrai lit vers 6 heures… en attendant, les couchettes feront l’affaire, et ce d’autant plus que notre wagon dort déjà. Nous n’avons plus qu’à nous glisser sous les couvertures, et c’est parti pour une très courte nuit !!!

Vos commentaires

2 Commentaires

  1. Ouah c’était beau jusqu’à ce qu’on me demande comment aller de saint Lazare à Rue Chaptal… Bon on terminera demain. Na!


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